Une nouvelle oeuvre vient de paraître
aux Editions l'Harmattan
 
 
 
 
 
  

Pour s'en faire une idée précise prenons connaissance de la Préface de cet ouvrage, rédigée par Marie Antoine Rieu.

 
  

Proposer « une refondation progressiste pour dépasser la contre-révolution libérale » : le projet de Michel Clouscard dans cet ouvrage peut sembler au-delà des limites de la raison théorique et pratique. Trois arguments au moins peuvent lui être opposés :

- « Quelle prétention ! »
- « C’est pas si mal que ça, le libéralisme ! »
- « Même si on voulait, c’est impossible ! »


Trois arguments de poids, qu’il nous faut examiner avant toute lecture.


1 « Dépasser le libéralisme. Quelle prétention ! ». Car le libéralisme est le produit d’une longue histoire et d’un patient travail d’élaboration politique. Pour surmonter les tentations totalitaires et accomplir une raison pratique, de Platon à Marx. Pour doper la libre-entreprise et sortir de l’économie de survie en développant la rationalité scientifique et technique. Pour faire de la République une démocratie vivante qui donne à l’individu et à l’esprit critique une vraie place.

Ces arguments disent une histoire et des progrès – de la raison et des sociétés. Mais cette histoire est vivante, faite de luttes dans les idées et les pratiques sociales. Luttes pour des formes de justice adaptées aux formes sociales réelles, contre l’esclavage. Pour sortir des systèmes fermés de pensée unique et de modes de vie régimentés. Pour établir une puissance réelle de raison partagée à l’échelle du monde.

La raison est un bien commun. Et la tâche d’un philosophe est de la faire travailler, d’élaborer de la pensée et de proposer à la discussion une nouvelle approche de la vie humaine, à la fois théorique et pratique. Avec, en toile de fond, la tradition philosophique, mais aussi contre ceux qui voudraient réduire la puissance de l’élaboration philosophique. Ou nous enfermer dans une pensée unique : tout va très bien dans l’ultra-libéralisme conquérant. Contre ceux qui voudraient nous tenir dans la seule pragmatique – mesurant les valeurs en bourse ou l’équipement des ménages. Proposer de nouvelles mises en débat – un forum mondial de la raison - à l’heure où le forum social mondial pose qu’un autre monde est possible. Parce que Aristote définissait l’homme à la fois comme « animal raisonnable » et comme « animal politique ». Aujourd’hui, c’est toute l’humanité - chacun d’entre nous - qui est en charge d’accomplir cette double nature.

La prétention de dépasser le néolibéralisme n’a d’égale que l’ampleur de la tâche humaine actuelle.

2 D’autres diraient que le néolibéralisme est un moindre mal, qu’il faut au plus l’aménager et non le repenser ou le « dépasser ». C’est un système social ouvert, évolutif, libéral par définition. Avec cette grande avancée que les uns ou les autres ne sont plus enfermés – ou moins – dans des croyances, des tribus, des castes, des classes. Qu’on peut y réussir si l’on est vaillant. Que la sélection sociale n’est ni plus ni moins qu’une forme développée de la sélection naturelle ! Et que sur l’autre rive, il n’y a que les totalitarismes, de type nazi ou soviétique- qui ont démontré à la fois leur nuisance et leur échec – parce qu’ils ne pouvaient supporter la puissance de la raison critique.

Le développement de l’individu et de l’esprit critique est un incontestable progrès de l’histoire humaine. Désormais, il faut transformer l’essai : poser que tous les individus peuvent s’accomplir raisonnablement – et d’abord vivre !


3 « Même si on le voulait, c’est impossible ! » répond notre interlocuteur fictif. Le joli dicton « impossible n’est pas français » - qui y répond en forme de boutade - peut être mondialisé. Le présent le démontre : les peuples crient d’une même voix contre l’injustice, celle de la pauvreté et de la guerre impérialiste et libérale, « libératrice ». Face aux cohortes armées et aux monstres technologiques qui se cachent derrière la façade libérale, se trame une vraie « contre-révolution libérale ». C’est ce qu’établit Michel Clouscard. Un concept qui permet de nommer ce contre quoi toute l’humanité s’élève, chaque jour. Et le « possible » est cet horizon que se donnent des hommes sans savoir à l’avance quelles formes définies ils lui donneront.

Michel Clouscard nous propose un chemin d’inconfort, parce qu’il nous propose un miroir critique et d’autres interprétations, mais aussi des choses simples : le bonheur, une morale citoyenne, et une éthique de progrès, un parlement du « Travailleur Collectif ». Certes à rebours des idéologies en vogue. Mais en traçant un horizon inouï depuis Platon et Rousseau : la réconciliation de la subjectivité et du politique. Non comme gendarmement stalinien de l’individu ou squelette néolibéral d’une société profondément injuste, mais comme puissance d’exister singulière au sein d’une vie sociale reconstruite sur la praxis, l’œuvre quotidienne de ceux contribuent à façonner le monde.

C’est au quotidien que le dialogue avec Michel Clouscard prend sens, quand les fragments éparpillés de réalité apparaissent dans une logique de contre-révolution libérale qui, à la fois, exclut de l’emploi les moins bien lotis au nom de « l’employabilité » - alors que toutes les sociétés savaient trouver une place utile, même à « l’idiot du village » - et promeut le fils à papa soixante-huitard en « expert » du management mondial des ressources nécessaires au profit.

Entrer dans le dialogue avec Michel Clouscard, c’est accepter l’inconfort que produisent ses thèses originales et paradoxales : le néofascisme populiste est à la fois le produit et la contrepartie du libéralisme libertaire. « L’Arabe » est à la fois le repoussoir de la paupérisation dont chacun a peur et l’emblème d’un sous-prolétariat mondial qui doit rester privé de son propre développement. Le « marché du désir » où tout est devenu marchandise, jusqu’au moindre fantasme, engendre cette « névrose objective » d’un Occident qui, avec toutes ses richesses, ne sait plus comment bien vivre.

Alors le négativisme ambiant, le désarroi et les renoncements quotidiens s’ordonnent dans l’esprit engourdi par tout un corps de métiers du « culturel-mondain » chargé de brouiller les pistes. Les grands discours sur l’éthique et les leçons de démocratie masquent le cynisme des agressions impérialistes à l’échelle mondiale, à grand renfort de bombes ou de destruction souterraine de la santé, physique et psychique.

La seule thérapeutique psychique est insuffisante contre cette pathologie sociale que Michel Clouscard nomme « névrose objective », plus élémentaire que celle de l’Œdipe freudien et qui prend source dans la guerre civile invisible entre production et consommation. Le politique se doit alors de restaurer les fondamentaux, l’équité entre production et consommation, et de proposer une nouvelle praxis politique élevant ceux qui produisent au rang d’acteurs politiques par l’institution d’un Parlement du Travailleur Collectif.

Les figures de proue du libéralisme de l’équité (Rawls) ou de la démocratie procédurale (Habermas) sont invités à la table de discussion : quelle théorie de la pratique libérale ? Pourquoi le libéralisme a-t-il promu le clandestin et le « prostitutionnel » au rang de réalité licite du « marché du désir » ? Comment comprendre toute cette économie clandestine qui alimente le nouveau profit ? Quelles procédures de discussion démocratique et partagée permettront de produire de la démocratie avec la maffia, qui n’en a que faire, mais aussi avec ceux qui sont exclus de toute discussion ? Autant de questions qui sont mises en débat dans cet ouvrage philosophique novateur et fondateur.

L’ancienneté de l’œuvre de Michel Clouscard atteste de sa clairvoyance dans l’analyse du libéralisme : en 1972, il publiait « Néofascisme et idéologie du désir » ; en 1981 « Le capitalisme de la séduction » ; et après les grèves de 1995, « Métamorphoses de la lutte des classes ». Michel Clouscard est avant tout un philosophe complet et original parce qu’il articule le politique et le subjectif, le citoyen et le sujet : « Traité de l’Amour fou », 1993.

« Refondation progressiste face à la contre-révolution libérale » se veut une contribution aux débats publics actuels et à la volonté mondiale des peuples pour qu’émerge un monde plus juste.




 
  
 
 
 
Rédaction éditoriale Marie-Antoine Rieu | Conception Michel Darras | Photographie Renaud Daridan
© Michel Clouscard| Mise à jour le